Une dynamique de transformation est une tension, entre une ambition et une identité, entre une volonté et une capacité, entre un externe et un interne, entre un passé et un futur. Les quelques mots de ce billet évoquent le fait que ce qui lie chacun des termes de ces tensions n’est aussi pas évident qu’il y parait…

Quel que soit son niveau ce n’est pas face aux vagues que le kayakiste de mer éprouvera ses pires difficultés. C’est dos au vent, dos aux vagues que les défis sont les plus importants. Ce que le kayakiste voit alors, ce qu’il a devant lui, c’est peut-être sa destination, mais c’est surtout son passé. Il a devant lui ce qui lui est déjà arrivé, les vagues et les creux qu’il a déjà affrontés. Ce qu’il a derrière lui ce sont ces vagues qu’il ne voit pas, qui peut-être déferlent déjà et qui vont bientôt heurter son frêle esquif. Ce qu’il a derrière lui, c’est une part de son avenir, une page déjà largement écrite et à laquelle il ne peut échapper.

Alexandre d’Aphrodise a développé une approche du destin que notre kayakiste comprendra aisément. Pour lui, le destin est ce qui va inéluctablement arriver à un individu, s’il ne change rien à ce qu’il est déjà, et qui est une combinaison d’éléments identitaires, à la fois innés et acquis. Le destin c’est cette part de son avenir qui est déjà écrite, parce qu’inscrite dans ce qu’il est aujourd’hui.

Si l’on suit cette approche assez simple, on conçoit que pour agir sur son avenir, il ne s’agit pas seulement d’exprimer une volonté. Mais, de façon idéalement associée, travailler à qui l’on est, en termes identitaires et de capacité.

L’entreprise aura beau exprimer une volonté, celle-ci sera de peu d’effet sans une connaissance et une éventuelle modification de ce que sont aujourd’hui ses forces d’inertie, c’est-à-dire l’état et les déterminants de son mouvement. On retrouve ici ce jeu dialectique entre la volonté et la capacité, un jeu éminemment complexe et subtil… Un jeu d’éveil. Le contraire d’une évidence, bien qu’il en ait les apparences.

Quant au kayakiste, s’il veut aller vers de nouvelles contrées et naviguer dans de nouvelles eaux, il va lui falloir comprendre son aspiration, interroger ses capacités et travailler à se changer lui-même. Sachant qu’une part importante de cette évolution se fera en situation, et d’autant plus efficacement qu’elle se fera en conscience.

Merci à Gilles Garel pour sa lecture de la Mer et à Alexandre d’Aphrodise pour son travail d’exégèse d’Aristote.

Ce billet exprime un point de vue. Il est surtout une invitation à en initier d’autres, en prolongement ou en rebond par rapport à cette esquisse. Les réactions et commentaires sont donc les bienvenus…

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